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RHINOCEROS

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Rhinocéros d'Eugène Ionesco

Presque 50 ans après sa création, cette pièce reste, hélas!, toujours d'une brûlante actualité.

Voilà un titre bien énigmatique pour une pièce de théâtre!

S'agit-il d'une tragédie zoologique ou d'une farce clownesque? Allons-nous assister à un drame ayant pour toile de fond l'Afrique ou … l'Asie?

De toutes ces interrogations, je ne retiendrai que les mots « farce » et « tragédie » car, il est vrai, ces deux éléments se retrouvent pleinement dans cette oeuvre majeure d'Eugène Ionesco.

Farce, certes, et nous revenons immédiatement à notre "rhinocéros", cet herbivore à la fois massif et paisible mais aussi fort étrange (voire étranger!) pour nos contrées, éminemment grégaire, à la peau épaisse et rugueuse qui porte une ou deux cornes sur le nez - sujet de moult polémiques et de débats tout au long de la pièce ("unicornu ou … bicornu?"). N'y a-t-il pas de meilleure métaphore pour illustrer le propos de la pièce et là, je laisse la parole à l'auteur lui-même:"Le propos de la pièce a bien été de décrire le processus de nazification d'un pays ainsi que le désarroi de celui qui naturellement allergique à la contagion assiste à la métamorphose mentale de sa collectivité".

Dès lors, après avoir envisagé d'autres animaux, on ne peut que se rallier au choix final d'Ionesco : le rhinocéros, un panzer sur quatre pattes!

Si, en soi, la métamorphose d'êtres humains en rhinocéros  - car c'est bien de cela qu'il s'agit!- s'avère être particulièrement burlesque, que dire des situations cocasses qui se succèdent  à un rythme effréné tout au long de la pièce et de la langue - à la fois d'une simplicité confondante mais aussi lieu de toutes les confusions et interprétations – dont Ionesco fait usage?

Mais "Rhinocéros" est aussi une tragédie. La transformation progressive de tous les êtres humains en "pachydermes" semble tout aussi inéluctable que la destinée d'Antigone et la pièce conçue comme un entonnoir, allant de la lumière aux ténèbres, de la foule à l'individu renforce encore davantage cet aspect, même si Ionesco se permet une pirouette finale comme un ultime pied de nez au théâtre classique.

Au-delà de l'aspect purement formel de la pièce et de son angle d'approche, Ionesco se pose la question essentielle du sens - ou plutôt du non-sens! - de la vie. Cette oeuvre, considérée par beaucoup comme étant le parangon du théâtre dit "de l'absurde", née sous la  Guerre Froide – qu'il me soit permis de prendre le mot de"nazification" dans le sens le plus large du terme en  faisant allusion à tous les régimes prônant l'aliénation de l'individu – n'a pas cessé de nous interpeller.

Je terminerai en citant une fois de plus Eugène Ionesco répondant à ses détracteurs qui trouvaient ses pièces trop peu réalistes à leur goût :"Une pièce de théâtre, semble-t-elle vraisemblable, alors c'est une mauvaise pièce, et d'ici peu elle ne semblera même plus vraisemblable. Comme tous les arts, le théâtre a une mission de connaissance".

Patrick Hauwaert